
Son parcours éducatif et sa détermination exemplaire ont attiré la plume de Kaddu Diaspora Média. « De domou daara » (élève coranique en langue wolof) à informaticienne et technicienne en télécommunication, elle est la première fille de son village à y sortir pour poursuivre son parcours scolaire à Bambilor, Keur Massar puis Dakar avant de traverser l’atlantique, à destination de Bordeaux.
La technicienne du village de Bonaba* (entre le lac et la Mer)
Avant de venir en France, Aby a obtenu une licence en télécommunication et réseau au Sénégal en 2015. Ne trouvant pas d’emploi après un stage dans une entreprise de télécommunication elle a repris ses études pour devenir une technicienne en installation solaire photovoltaïque. En 2018, elle obtient une inscription à l’Université de Sciences et Technologies. Son arrivée dans la ville a été difficile. Pour son hébergement, elle le doit à une sénégalaise qu’elle a rencontrée, par inadvertance, à Bordeaux. Après deux ans d’études, elle obtient son diplôme. Elle compte rentrer plus tard au Sénégal pour y créer son entreprise dans les télécommunications.
Créer un circuit d’aide avec les femmes de mon village Bonaba
N’ayant pas trouvé facilement du travail dans son domaine d’étude, elle a décidé de créer sa propre activité pour ne pas rester inactive. Actuellement, Aby s’est lancée dans l’entrepreneuriat en créant ABY BIO, il y a 6 mois de cela. Elle importe et commercialise des produits céréaliers sénégalais et aussi les matières premières du bissap et du fruit du baobab.

S’appuyant sur ses compétences culinaires acquises dès l’âge de 10 ans, elle propose de délicieux repas sénégalais les week-end. Elle propose également une chantilly teint clair, marron et naturel qu’elle produit elle-même. La femme du village de Bonaba a des projets ambitieux pour l’avenir. Elle veut créer un circuit d’aide solidaire pour soutenir les femmes de son village natalau, en leur offrant des opportunités de travail. Elle participe ainsi à son premier salon pour les auto entrepreneurs, organisé par Aïcha de Dialyam Couture.
Un cursus de femme, peu ordinaire
Elle n’a pas fait l’école primaire car elle a commencé par l’école coranique dès l’âge de 4 ans et a maîtrisé le coran à 15 ans. Elle a commencé l’école française au Sénégal à l’âge de 20 ans. En 2005, Aby a démarré son parcours éducatif grâce à des cours d’alphabétisation dispensés par un enseignant dans son village. En étant agente de santé communautaire dans son village, elle s’y esta faite distinguée grâce à son niveau de français et son écriture.

Je faisais 5 km tous les jours, avec mon père, pour aller à l’école
Lors de l’inauguration de la première école du village, Aby a été abordée par un enseignant. Ce dernier, impressionné par le niveau de son français pour quelqu’un qui n’a jamais été à l’école, lui a suggéré de poursuivre ses études. Aby lui a expliqué qu’elle n’avait jamais été scolarisée et ne savait pas comment procéder, sa famille n’ayant appris que le Coran. L’enseignant qui s’est avéré être Monsieur Sané lui a proposé son aide. Ce dernier a entrepris les démarches nécessaires pour qu’elle puisse suivre des cours du soir, en vue de préparer l’entrée en sixième.

Après sa réussite à l’examen, Monsieur Issa Sané a approché son père pour lui proposer de laisser sa fille poursuivre sa scolarité dans un autre village. Le père de Aby n’était pas d’accord car elle aurait été la première de son village à partir étudier ailleurs. Mais l’enseignant a réussi à le convaincre. Finalement Aby a pris un nouveau chemin de la connaissance en faisant quotidiennement, avec son père, un trajet de 5 km pour se rendre à l’école de Bambilor.

Sans monsieur Sané, je n’aurai jamais pensé aller à l’école
Ne pouvant pas intégrer l’école publique en raison de son âge, Aby s’est tournée vers l’école privée. Elle a obtenu son BFEM, puis s’est inscrite au collège où elle a décroché un Bac S. Elle est la première fille a obtenir le Bac dans son village. Ce succès a impressionné Monsieur Sané, qui a souligné auprès du père de Aby l’importance de cette réussite. L’enseignant a été un soutien indéfectible pour elle. Après le décès de son père, en 2006, il a pris en charge les frais de sa scolarité.

Après son Bac, c’est le chemin d’une université privée qu’elle empreinte. Elle s’inscrit à l’Ecole Supérieure de Technologie et de Management (ESTM) à Dakar. Elle y décroche une licence en télécommunications et informatique réseau. Elle appartient à la première génération d’étudiants que l’État orientait dans les universités privées. Grâce à son apprentissage du coran dit-elle, elle a pu sauter des classes et rattraper le nombre d’année nécessaire pour obtenir sa licence.
Héritage et gratitude
Le décès en 2024 de Monsieur Sané l’a profondément affectée. Aby a exprimé lors de l’interview une profonde émotion et sa gratitude envers lui, reconnaissant son rôle crucial dans son parcours éducatif et sa réussite.

Elle se souvient de tout ce qu’il a fait pour elle, soulignant ainsi l’impact qu’il a eu sur sa vie.
- Bonaba est un village Peul situé entre l’océan de la « Grande côte » et le lac.
Auteur : Moussa Diop Kaddu Diaspora Média
