
Samedi 20 mai 2023. 10 heures. Le Président d’Afro Global Connect, Thione Niang, entrepreneur social, conférencier international sénégalo-américain, était à Bordeaux à l’initiative de la jeune association bordelaise Diaspora Link (nous reviendrons dans un prochain article sur ladite association), dans le grand salon Rohan de l’hôtel Pullman à Bordeaux Lac. Cet événement bordelais venait après ceux de Paris et de Montpellier.
« Interconnexion des diasporas et leurs contributions au développement de l’Afrique » était le thème de cette rencontre d’envergure. Kaddu Diaspora Média était au rendez-vous.

Diasporalink avait savamment programmé différentes phases devant ponctuer ce temps d’échange, de réseautage et de partage. Après la phase de présentation, on a continué en beautés par un défilé de mode africain de farene design.
Puis la visite de stands a précédé un panel de questions réponses, avant la pause déjeuner. L’après-midi a été ponctué de speechs projets et de deux interventions : celle de Carlos Martens Bilongo, député du Val-d’Oise et de Thione Niang.
Il y avait également des panels fort instructifs : Khadim Thiam, avocat au barreau de Bordeaux, le député congolais (RDC) Nsingui PULULU, la sage-femme, franco-camerounaise, Grace Siewe TCHAMENT, l’écrivain mauritanien Mouhamad Lam et Alioune Badara Fall, Professeur agrégé de Droit à l’Université de Bordeaux.
Un défilé de mode aux couleurs qui scintillent l’Afrique

Au rythme d’une musique, plusieurs mannequins ont esthétiquement occupé la scène pour y les allées pour y déambuler on a continué en beautés par un défilé de mode africain de Farene design.
Khadim Thiam : Incohérences du droit du travail en France
Khadim Thiam, spécialiste du droit des étrangers dans le cadre de ses activités signale un paradoxe juridique. Officiellement l’étranger en situation irrégulière n’a pas le droit de travailler. Mais selon la circulaire Valls du 28 novembre 2012, l’étranger doit justifier d’un travail déclaré pour prétendre à la régularisation.
Face à ce paradoxe, M. Thiam parle de « jeu d’équilibriste ». Le conseil donné : toutes les personnes en situation irrégulière doivent éviter au maximum d’avoir des problèmes avec la justice, car toute contravention de quelque nature que ce soit peut justifier un refus de titre de séjour.

Nsingui PULULU : Au Congo vivre comme un député ou vivre avec moins d’un dollar

Interpelé sur l’impact réel du rôle de l’aide financière de la diaspora au Congo, Nsingui PULULU a mis le doigt sur un problème de la constitution : « la nationalité congolaise est une et exclusive ». Ce que la constitution n’a pas prévu, « c’est de permettre aux Congolais qui ont une autre nationalité de revenir au Congo pour investir. Et le peu qui ont investi au Congo l’ont fait de façon clandestine. Le manque à gagner est même à déplorer sur le plan sportif. Des jeunes talentueux ne peuvent pas jouer dans l’équipe nationale de leur pays d’origine, parce qu’ils sont français, belges, etc. » Après avoir critiqué le retard de l’enseignement de l’enseignement, Nsingui Pululu fait allusion au rôle des Diasporas dans le développement économique et à la mutation technologique. Il a fait voter une loi pour que tout Congolais, quelle que soit sa nationalité, ne puisse plus perdre sa citoyenneté d’origine. « Au Congo soit vous vivez comme les députés, soit vous vivez avec moins d’un dollar ».
Grace Siewe TCHAMENI : ma solution c’est l’entreprenariat
Née au Cameroun, Grace Siewe TCHAMENI, sage-femme, a raconté son parcours de migrante. Arrivée à l’âge de 21 ans en France, elle obtient un Certificat de sage-femme après 4 ans d’étude et non un diplôme d’Etat. « Parce qu’elle n’avait pas encore la nationalité française ».

N’ayant pas la nationalité, elle a connu un véritable parcours de combattant : repasser les concours déjà réussis, accepter des emplois sous qualifiés et sous-payés et finalement ouvrir un cabinet dans un quartier prioritaire Politique de la ville.
Mohamed Lam : clientélisme et autoritarisme, deux fléaux de la Diaspora en Afrique
La question posée au jeune écrivain essayiste mauritanien Mohamed Lam abordait les problèmes d’instabilité en Afrique ainsi que les conflits ethniques et la sécurisation des investissements de la Diaspora.
Comme le juriste sénégalais Alioune Badara Fall, l’écrivain, qui est aussi juriste, met au premier plan les problèmes de gouvernance en citant les cas de la Côte d’Ivoire des années Gbagbo, le Mali, la Mauritanie depuis les années 1960 et le Sénégal. A propos du Sénégal « connu pour ses acquis démocratiques », il déplore l’intention visible du président Macky Sall de tenter un troisième mandat, contrairement à la constitution du pays qui n’autorise que deux mandats présidentiels. Il mentionne par ailleurs sa fierté d’appartenir à la culture peule mais sans esprit de repli identitaire. Au contraire, il dénonce les pratiques d’instrumentalisation des différences ethniques exploitées par de nombreux candidats au moment des élections. Ces pratiques dit-il « fragilisent le corps électoral ».

Concernant les investissements, les envois d’argent, la réinstallation et l’entreprenariat en Afrique, il regrette le climat d’instabilité fréquente et un esprit clientéliste qui limite la liberté du dynamisme économique. Lui-même n’est pas entrepreneur mais des membres de sa famille sont actifs dans l’entreprenariat et il adhère pleinement à l’esprit d’entreprise dans la liberté.
Alioune Badara Fall : Diaspora et gouvernance
Le professeur Alioune Badara Fall a d’abord élargi la notion de diaspora en y ajoutant « le vendeur de bibelots sur la plage ». Il précise : « Ce ne sont pas que les cadres, les ingénieurs, les enseignants et les sages-femmes. » Puis il analyse la situation des pays africains sous un angle sociologique et politique en détachant trois aspects : en premier lieu, les élites gouvernementales, puis le peuple ainsi que les électeurs et troisièmement les institutions, la constitution, le Droit et les règles électorales.

A propos de ces trois aspects, le juriste prononce un jugement sévère : »Sur ces trois points, rien ne marche. Mis à part des cas exceptionnels comme Mandela, en général les gouvernants qui sont au pouvoir sont là pour leurs privilèges. Parfois ils ne le font pas exprès parce que quand on est élu, toute la famille est derrière et attend, dans le Parti. C’est très difficile pour eux de ne pas répondre à la demande surtout s’ils veulent être réélus. » Il poursuit en disant que ces dirigeants « sont davantage préoccupés par leurs privilèges que par la sauvegarde de l’intérêt général. » Concernant l’apport de la Diaspora, il conclut : « Pour que le développement passe par les Africains qui vivent à l’extérieur du continent, Il faut soigner ces élites-là pour qu’elles aient des valeurs de gouvernance.
Carlos Martens Bilongo : noir et français
M. Carlos Martens Bilongo, député du Val D’oise a parlé de son expérience et a fait part de ses observations par rapport aux mobilités facilitées par le passeport français, notamment en Afrique.
Il a également parlé du problème de l’héritage transmis en France de génération en génération. Cette transmission met un capital à la disposition d’un jeune français qui veut se lancer dans l’entreprenariat. Ce qui, en général, n’est pas le cas d’un jeune africain.

« Noir et français » c’est le titre de auto biographie dans laquelle il met en exergue sa trajectoire du quartier difficile à l’Assemblée nationale. Il a reçu les encouragements de Thione Niang : « en investissant le champ politique, en supportant, en croyant en soi, je peux dire qu’un jour, comme ce fut le cas en Amérique, que la France aura son Barack Obama. » Une phrase qui a enthousiasmé la salle.
Diversité des stands, créativité riche

Des stands, même s’ils sont au nombre de 20, sont un vrai vertige pour les regards qui aiment l’esthète, mais aussi où l’on peut bénéficier d’information pour investir dans divers secteurs économiques. : la diversité se retrouve en outre dans la gamme des produits et des spécialités proposées par les entrepreneurs : créations de mode et stylisme, bijoux artisanaux, vêtements, du conseils et formation.
Des initiatives qui font déjà mouche
Avec talent, détermination des femmes et des hommes se sont succédés sur la scène pour présenter le cœur d’activité de leur entreprise. Mais aussi leur parcours, leurs échecs, leur réussite et leur vision sur le développement de l’Afrique. Des secteurs divers et variés ont été présentés : l’informatique, le numérique, la santé, les finances, l’esthétique, l’art de la cuisine, les optiques…

Thione Niang, le panafricaniste pragmatique
Pour son premier événement à Bordeaux, l’entrepreneur social Thione Niang, membre de l’équipe de campagne de Barak Obama en 2008, a rencontré une Diaspora entreprenante : celle qui entreprend et /ou celle qui désire entreprendre. Durand deux heures d’horloge, devant une salle pleine à l’hôtel Pullman de Bordeaux Lac, il a parlé de ses choix. Il privilégie une base rurale notamment la création d’une ferme où il emploie et sensibilise les jeunes à l’agriculture. La ferme est génératrice d’emplois par les nombreuses activités qu’elle brasse : production, transformation, commercialisation, transport.

Dans sa ferme pilote au Sénégal il a reçu 59 nationalités du monde entier. Thione Niang parie sur la jeunesse. Très actif, il est présent sur plusieurs terrains : Give1 Project (organisation qui aide les jeunes leaders qui s’investissent sur le plan social, économique et politique). JeufZone farms mise sur l’engagement des jeunes dans l’agriculture, qui pour lui représente une voie d’avenir pour l’Afrique. « C’est l’Afrique qui nourrira le monde, » selon lui. Il investit également les Daaras ou centre d’éducation coranique. Il s’inscrit dans une vision dynamique d’un panafricanisme pragmatique, qui intègre l’esprit d’entreprise, de partage et la solidarité.

Par ailleurs il octroie des bourses et trouve des stages et des formations dans le secteur du numérique. Le message délivré a été bien reçu si on se réfère à l’attention chaleureuse de l’auditoire. Ce n’est pas par hasard si son autobiographie a pour titre : Mémoire d’un éternel optimiste.
Auteurs : Rafael Lucas et Moussa Diop, Kaddu Diaspora Média
Crédits photos : Kaddu Diaspora Média – Studio déclic
