
Propriétaire de la Signare, Nancy est aussi philanthrope. Elle s’investit avec énergie dans ses actions caritatives et d’accompagnement social dans le milieu carcéral. Avec son association Tampons Toutes les Femmes (ATTF), elle distribue des serviettes hygiéniques lavables aux femmes détenues. Elle les aide également à les fabriquer elles-mêmes. Quand on lui demande comment cette idée lui est venue, Nancy M’Baye nous dit que c’est une longue histoire : « Mon oncle fut directeur de prison au Sénégal. En lui rendant visite souvent, j’y ai rencontré une détenue avec qui je discutais. Un jour, je lui ai demandé comment faisaient-elles quand elles étaient dans leur période. Tout est parti de là. J’ai décidé, à l’issu de cet échange, de créer l’association Tampons Toutes les Femmes (ATTF) ». La démarche de son association lui permet d’avoir des partenaires comme House of Surname, avec qui ils vont créer des serviettes hygiéniques lavables durables à base de fibres de banane plantain et de bambou. Il n’y a pas que cela dans le collier de ses actions autour de son cou
Recoudre la vie…
Pendant le covid, elle a envoyé 25 machines à coudre à la prison du Camp Pénal à Dakar. Et ce n’est pas tout : « Avec les tissus que j’avais amené à Dakar des masques ont été faits pour tous les détenus » évoque-t-elle. L’amélioration des conditions de vie des femmes détenues dans les prisons de Belgique (Forest), du Sénégal (Camp pénal) et du Congo (nom) est un de ses vrais chevaux de bataille. Elle n’épargne ni son temps ni son argent pour leur donner espoir, mettre dans leur main un outil qui peut fortement contribuer à la revalorisation de leur image. Mais aussi à l’éclosion de leur talent. De par ses actions elle a compris que l’enfermement n’exclut pas le travail et celui-ci les aide d’ailleurs à avoir une existence sociale. Et pourtant sa discrétion ne présage en aucun moment l’existence de sa « force intérieure » qui l’aide à servir. « Cette force je l’entretiens car avoir comme président d’honneur de mon association Youssou N’dour ce n’est pas fréquent. Et puisque c’est un travailleur je ne dois pas le décevoir » évoque-t-elle. Une fierté qui se lit dans les yeux qui croit aux vertus du travail.
« La Signare et sa gastronomie sociale »
A côté de ses actions humanitaires, Nancy gère aussi un restaurant où, dit-elle, « l’on fait une gastronomie sociale ». La Signare, c’est le nom de son restaurant. Quand on a voulu comprendre comment elle est arrivée dans ce secteur de la bouche, sa réponse ne s’est pas faite attendre : « ma vocation dans la restauration vient, peut-être, de ma famille qui tenait un hôtel restaurant : la Casa Italia. J’ai été parmi les plus jeunes hôtelières du Sénégal qui y ont travaillé. » Des personnes en reconversion ou en insertion professionnelle font souvent un passage dans son restaurant. Comme « booster humain » ses bénéfices sont reversés à son association. Qualifié de « restaurant social », la Signare est aussi un lieu culturel où toutes les diasporas africaines de Bruxelles se retrouvent. Un espace où la classe sociale du client est mécaniquement « dissoute ».
Ce carrefour, situé au n°26 de la rue de la Paix, n’aurait probablement jamais vu le jour sans l’ouverture, la modestie, le courage, l’intelligence et aussi le renoncement à vivre dans le luxe. « J’habitais dans un quartier bourgeois à Bruxelles où tout était fermé à 18 heures. Mais puisqu’avec mon ex-mari on avait des appartements un peu partout notamment un dans le quartier de Matongué où se trouve la Signare. Je ne voulais plus vivre dans le luxe et j’ai fait le choix de venir m’y installer. Je m’y sens plus en sécurité ».
Une femme qui a le sens de l’investissement social.
Forcément, on ne peut rencontrer une femme débordante d’énergies et d’idées sans lui demander l’idée qu’elle se fait de l’entreprenariat. Après un léger sourire, elle avance ceci : « Entreprendre, c’est avoir des folies, avoir des idées de malade. Créer un restaurant en même temps qu’un Label, faire de l’humanitaire c’est tout cela entreprendre. Certes travailler est beau, mais il faut aimer ce que l’on fait. A la Signare, je fais tout : la cuisine, l’administration et la communication, avec le soutien de mes collaborateurs qui partagent les mêmes valeurs que moi. »
Le bruit, c’est la liberté.
Elle a créé son label de production pour encore donner une chance aux jeunes qui veulent s’exiler dans la musique. « Vous savez, la façon d’aider un détenu c’est de l’occuper mais pour l’artiste c’est de le faire jouer, le mettre sur scène. C’est pourquoi elle organise presque tous les week-end des concerts à la Signare et on y fait du bruit. » dixit Nancy. Le bruit comme elle se le représente porte plus sur le principe de la liberté : « C’est dire tout ce que tu veux. Il faut réveiller les sens, déranger. C’est ma façon de dialoguer avec le monde extérieur. »
Maman Nancy et son quartier Matongué
Quand Nancy parle du quartier Matongé son visage s’illumine car c’est son quartier de coeur. Les altérités qui s’y développent, la mixité de sa populations et de leur culture la chavirent. Elle prête beaucoup également attention aux jeunes et plus particulièrement aux jeunes qui font des bêtises. D’ailleurs on l’a surnommée : Maman Nancy « parce que quand ils leur arrivent de faire des conneries ou bien de vouloir craquer ou tout lâcher, je suis là pour leur dire : « non, on ne baisse pas les bras. » Ces jeunes-là sont mes frères, mes chéris… ». Avocate de l’image du quartier, car elle n’aime pas qu’on le diabolise, même s’il est perçu comme exotique. Ce qui fait le monde aujourd’hui, c’est la différence. « Tous différents, tous pareils » .
Auteurs : Rafael Lucas et Moussa Diop
