
L’Union des Travailleurs sénégalais en France (UTSF), sous la conduite de son Président Dame Gadji accompagné des membres du bureau, a célébré la fête du travail en participant au défilé du 1er mai. Le Mouvement Bourkinané des Droits de l’Homme et des Peuples (MBDHP), allié historique de l’association était aussi de la partie. Pour la transmission de l’action revendicative, qui occupe une place de choix dans l’agenda des orientations de l’association, les doyens ont également défilé à côté des jeunes. L’UTSF a participé à la manifestation ponctuée de slogans mobilisateurs sur le thème du travail, suivant en cela l’esprit de ses origines, car comme le rappelait son ex-président Malick Ndaw, le sigle complet de l’UTSF était complété par les lettres AR, c’est-à-dire Action Revendicative.

Les saveurs des Petits plats de Binetou du mois de mai
Après avoir battu le pavé, l’équipe dirigeante de l’UTSF avait prévu deux autres temps forts. Le premier consistait en des retrouvailles conviviales à table, autour d’un succulent thiep bu jenn ou riz au poisson concocté par la traiteure des Petits Plats de Binetou.

Le deuxième temps fort c’était un long moment de dialogue avec la salle, présenté et animé par le modérateur Ousmane Sary. Après le repas convivial, il y a eu une Rencontre sur le thème du travail, autour de trois aspects : historique, témoignages et discussion. Le président de l’UTSF, Dame Gadji, par son discours introductif et le Professeur d’Anthropologie Dragos Ouedraogo ont ouvert la Rencontre. Kaddu Media Diaspora était présent aux divers moments de cet événement de la Diaspora.

Il était une fois l’Amérique
L’UTSF avait mis au point un moment de réflexion et d’échange, enrichi par la présentation historique de Dragos Ouedraogo et les récits d’expériences vécues.Dragos Ouedraogo a rappelé l’instauration par étapes de ce qui allait devenir la Journée Internationale des Travailleurs, résultat des combats ouvriers des deux dernières décennies du XIXe siècle. Ces luttes s’affirment initialement aux Etats-Unis, plus précisément à Chicago, à partir de 1884, autour de la réduction des journées de travail, de 12 ou 10 heures à 8 heures. Mais c’est une manifestation de mai 1886 durement réprimée par la police qui va renforcer la détermination des ouvriers américains.
Trois ans plus tard, rappelle Dragos Ouedraogo, en 1889, c’est le Centenaire de la Révolution Française. La IIe Internationale Socialiste réunie à Paris décide de faire du 1er mai une Journée Internationale de revendications ouvrières. M. Ouedraogo précise que la normalisation du Premier Mai a été le fruit d’un long combat marqué par des répressions sanglantes au début, aussi bien à Chicago qu’en France comme le montre l’exemple du massacre ou de la fusillade de Fourmies, ville importante de l’industrie textile dans le nord de la France, le 1er Mai 1891.
La retraite au Sénégal
Malick Ndaw a résumé l’état de fait de la retraite au Sénégal. Si un départ en retraite y est possible dès l’âge de 55 ans, en réalité le faible montant versé pour les pensions incite à travailler plus longtemps. Du point de vue légal, l’article L-69 de la loi 97-17 du 1er décembre 1997, portant l’âge de la retraite à 60 ans a été modifié par la loi 2020-15 du 14 mai 2020. Selon cette dernière loi, les relations de travail, suivant un accord entre les parties concernées, peuvent être prolongées jusqu’à 65 ans, pour certains emplois ou professions déterminées par décret.
Néanmoins M. Malick Ndaw reste assez critique sur la retraite au Sénégal, en jugeant que « la retraite par répartition est essoufflée » et que « la retraite par capitalisation est dangereuse. » Après cet aspect technique la discussion a abordé l’aspect des représentations du travail et plus particulièrement la question des stages qui s’avère être souvent un parcours du combattant.
Dans la jungle des stages
C’est la psychologue Aminata Ben Gelloune qui a abordé le problème des stages de validation, nécessaires pour les formations diplômantes mais plus difficiles à obtenir « pour ceux qui viennent d’ailleurs ». Si dans les petites classes des collèges explique-t-elle, il n’y a pas de problème pour les mélanges d’élèves provenant d’horizons différents, les données changent dès qu’on commence à s’approcher du marché du travail, notamment, pour le dire en un mot, à cause de la discrimination qui frappe ou désavantage « ceux qui viennent d’ailleurs. » Pour Dieynaba Ka, dans ce domaine « il y a encore du travail à faire. »
Selon Mamadou Kouma, le Directeur du Centre d’Insertion Sociale et Economique de Cenon (le CISE), le système scolaire dans l’enseignement professionnel en France ne correspond pas au fonctionnement et aux réalités du marché du travail. Parmi les témoignages de discrimination, celui de M. Yankatte a retenu l’attention, quand il explique comment un inspecteur du travail venu pour une inspection, en théorie pour la sécurité sur les lieux de travail, s’en prend exclusivement à l’unique travailleur non blanc du groupe. Pour en revenir aux stages, diverses solutions sont proposées. Plusieurs intervenants ont souligné l’importance du réseautage.
Le réseautage, une réponse efficace
Rodrigue Gokan, du réseau PH, Mamadou Kouma, directeur du CISE, Mme Aminata Ben Gelloune, M. Marcel Kagambega, M. Ouedraogo, M. Malick Ndaw, ont insisté sur la nécessité de disposer de réseaux divers pour déjouer les attitudes de discrimination, car il n’y aurait que 1% des entreprises qui acceptent des stagiaires. « Rien ne tombe du ciel » pour D. Ouedraogo, auteur par ailleurs d’un documentaire sur la discrimination intitulé Un Caillou sur le terrain (2013, 58 mn). Il souligne par ailleurs, comme les intervenants mentionnés plus haut, que les initiatives purement individuelles ont moins de chances de réussir. « Il faut impliquer les élus » conseillent aussi Mamadou Kouma et Malick Ndaw. Pour ce dernier l’UTSF propose régulièrement des stages, en particulier aux lycées. Marcel Kagambeta a mis en évidence le nombre impressionnant de personnes en situation d’irrégularité (entre 300 et 4OO OOO) et leur impact voilé sur le marché du travail. Kaddu Media Diaspora se montre également disposé à accueillir des stagiaires.
Ce long moment d’échanges très documentés et de réflexions venait, de manière très enrichissante, conclure une journée de mobilisation, où la convivialité était également présente.
Auteurs : Rafael Lucas/ Moussa Diop Kaddu Diaspora Média
