En France, l’actualité sociale et politique est marquée par une recrudescence de propos et d’attitudes empreints de rejet : xénophobie, racisme, antisémitisme, islamophobie. Ces dérives qui s’expriment parfois sans complexe alimentent une stigmatisation de l’étranger, de l’immigré ou « l’autre ». Face à ce climat délétère, certains citoyens français entendent rappeler une vérité historique trop souvent minimisée ou ignorée : la France ne s’est pas libérée seule pendant la Seconde Guerre mondiale. Elle a pu reconquérir sa liberté grâce, aussi, au courage et au sacrifice de combattants étrangers, venus d’Europe, d’Afrique et d’ailleurs, dont beaucoup étaient soit immigrés installés sur le sol français depuis plusieurs années ou incorporé dans l’armée française depuis leur pays d’origine. C’est dans ce contexte que la ville de Bordeaux de Bordeaux a voulu posé un acte en posant une plaque commémorative, sur la place du 11 novembre, pour honorer la mémoire de ces combattants « oubliés » de l’histoire officielle. À travers ce geste symbolique, il s’agit non seulement de rendre hommage aux morts, mais aussi de rappeler aux vivants que la France est redevable à tous ceux qui ont versé leur sang pour elle, quels que soient leur origine, leur pays de naissance ou leur religion.
Les combattants venus de l’étranger, font partie intégrante de l’histoire de la ville et de la nation
Présent à la cérémonie de pose de la plaque qui honore la mémoire des combattants morts pour la France, le Maire de Bordeaux Pierre Hurmic, a rappelé que les étrangers, et en particulier les combattants venus de l’étranger, font partie intégrante de l’histoire de la ville et de la nation. Il a souligné leur rôle essentiel dans la conquête de la liberté et la libération de la France, alors même que le climat actuel est marqué par une montée des discours hostiles aux étrangers. Pour lui, il est nécessaire pour la ville de Bordeaux de reconnaître publiquement cet héritage et de l’inscrire dans la mémoire collective par l’apposition d’une plaque commémorative sur la place du 11 Novembre, espace hautement symbolique des commémorations des grandes guerres. « Désormais, l’engagement des combattants étrangers doit être pleinement associé à ces cérémonies officielles » dit-il.

La communauté sénégalaise de Bordeaux, toujours investie pour que la mémoire des tirailleurs sénégalais ne tombe pas dans l’oubli
Accompagné du vice-consul Issa Diène qui a pris ses fonctions tout récemment, le consul général du Sénégal à Bordeaux, Abdoulaye Diallo a salué cette initiative, soulignant qu’elle reflète l’engagement profond et constant du Sénégal dans le travail mémoriel portant sur les tirailleurs sénégalais et africains. « Nous avons célébré, avec brio, le 80e anniversaire des événements tragiques de Thiaroye qui est un aspect important de notre histoire, un événement important pour nous », et d’ajouter : « Cette année beaucoup d’initiatives ont été prises en Gironde pour célébrer la mémoire des soldats africains morts pour la France. D’autres événements se profilent à l’horizon comme celui qui va porter sur le 4 octobre, avec la venue d’une délégation de la ville de Lectoure, dans le Gers. Pour rappel à Lectoure, plus de 70 soldats africains reposent dans un carré militaire ». Cette démarche vient compléter tout le travail de mémoire engagé par l’UTSF (Union des Travailleurs Sénégalais en France) avec des membres avant-gardistes comme Feu Ibrahima N’Diaye, Philippe Salamon, Mar Fall, Malick N’Daw, Dragoss Ouédraogo et tant d’autres. L’occasion pour le consul de féliciter la communauté sénégalaise de Bordeaux qui s’est investie depuis des décennies pour que la mémoire des tirailleurs sénégalais ne tombe pas dans l’oubli. « La plaque illustre la reconnaissance que nous devons aux tirailleurs sénégalais et je félicite monsieur le Maire de Bordeaux pour cela » affirme-t-il.

Redonner une visibilité aux combattants étrangers morts pour la France
À la tête du projet commémoratif mené à Bordeaux, on retrouve Laurent Montaya. Fils d’un immigré espagnol déporté par les nazis, il porte une mémoire familiale.

Pour lui, le fait de voir le Maire de la ville de Bordeaux installer cette plaque sur une place symbolique pour le travail mémoriel, c’est redonner une visibilité aux combattants étrangers morts pour la France, mais aussi adresser un message à la société contemporaine. « Quand certains discours politiques ou médiatiques dénoncent l’immigration, stigmatisent les étrangers ou cherchent à délégitimer leur place dans la société française, je considère que c’est une véritable insulte à la mémoire de ces hommes et de ces femmes qui ont combattu le fascisme sur le sol français »
Auteur : Moussa Diop, Kaddu Diaspora Média
